Seth Messenger : Ca arrivera près de chez vous

(Langue maternelle)
Ca arrivera près de chez vous
(Par Seth Messenger)

Ce jour-là, la terre tournait paisiblement sur son axe, comme à son habitude. 

A l'endroit où les rayons de l'astre solaire la frappaient directement, il était midi. C'est là que j'étais, moi, assis devant un café, sur une terrasse parisienne. L'osier de la chaise me démangeait les fesses et la canicule avait trempé ma chemise. C'était un samedi, en plein mois d'août. C'était aussi le moment qu'ils choisirent pour arriver. Des millions de petites pyramides granitiques qui descendirent du vaste ciel, quadrillant parfaitement toute la surface de la planète. Il n'y eut pas de réelle panique sur le monde. Rétrospectivement, je crois que personne ne réalisa vraiment ce qu'il se passait. Çà et là, sur la planète, les petits vaisseaux extraterrestres se posèrent doucement, sans bruit ni poussière. 

Nous sûmes très vite qu'ils étaient venus en paix.  

Mais nous ne comprîmes que bien plus tard à quel point. 

 

Evidemment, aucune force gouvernementale ne put cacher la chose. 

Dans la demi-heure qui suivit, les chaînes de télévision, les stations radio du monde entier et même l'Internet, se branchèrent en direct sur l'évènement. Sur le petit écran, des reporters de choc nous offrirent le direct du siècle en filmant l'ouverture de la première pyramide, pas plus haute qu'une roue de camion, parfaitement synchronisée avec toutes ses pareilles de par la surface de la planète. L'espace de quelques secondes, le monde s'effraya d'en voir sortir une arme destructrice, peut-être des gaz mortels ou le souffle dévastateur d'une explosion atomique. Les respirations se bloquèrent, les traits se figèrent un instant et les yeux s'écarquillèrent de surprise.  

Les quatre faces de la pyramide s'étaient déployées sur le sol, formant avec la base une étoile d'aluminium. Et, au centre de cette étoile, une petite boule de poils soyeuse se tenait recroquevillée sur elle-même. Les yeux du monde étaient fixés sur elle et ses sœurs, elles aussi écloses, partout autour du globe. Et puis, soudain, la petite boule de poils soyeux, à la couleur si incroyablement noire, bougea. Un instant, elle sembla humer l'air, s'ébroua. Puis, semblant flotter sur le sol, elle fila à la vitesse de l'éclair vers un attroupement de passants, sortant du champ de vision de la caméra. 

Lorsque l'étrange créature fut de nouveau à l'image, le monde la retrouva scotchée sur le pull d'un vieux bonhomme au regard éteint. Les gens s'écartèrent craintivement de l'homme, élargissant le champ de la caméra. Le vieil homme fixait de son regard éteint l'étrange bestiole, les bras ballants. Enfin, une étincelle se fit dans ses yeux. Il prit machinalement la petite boule de poil dans la paume de sa main droite, la serrant contre son cœur. Le regard toujours absent, il commença à la caresser. 

Et ce fut le début de la fin. 

Parce que, au contact des caresses, la créature commença à grossir. Au bout de quelques minutes, elle se scinda en deux boules de poils. La nouvelle arrivée se laissa alors choir du vieux bonhomme pour foncer sur un autre badaud. Scotch, le regard qui s'éteint. Les mains automates qui caressent. 

C'est ainsi que l'invasion commença. 

Quelque chose, chez les zorcs - c'est ainsi qu'on les appela - incitait à les caresser. D'instinct, l'être humain adorait la bestiole, en oubliant le monde extérieur. Caresser devenait sa seule préoccupation, tant qu'un zorc était en contact avec lui. Et il s'avéra que le zorc était un animal très affectueux, à son tour. Très attachant aussi. Une fois qu'un zorc s'était choisi un hôte, c'était pour la vie. Celle de l'hôte bien sûr, qui, ne mangeant et ne dormant plus, ne tardait plus à mourir d'épuisement, ayant cajolé le tendre compagnon jusqu'au dernier souffle. Des statisticiens estimèrent qu'un zorc adopté donnait en moyenne naissance à deux mille descendants avant le trépas de son hôte.  

Inutile de préciser que tout alla très vite. 

En quelques jours, il y eut un zorc au moins par habitant de la belle bleue. Puis, ce fut bien plus. On les voyait constituer des hordes de centaines d'individus, arpentant les rues à la recherche d'humains encore célibataires, si je puis dire. Ce qui devint très rapidement aussi rare qu'une bouffée d'air pur dans la capitale parisienne. 

Au départ, l'on tenta de tuer les zorcs, de les écraser, de les prier de repartir même. D'autres, plus entreprenants, tirèrent sur les hôtes, pour les empêcher de caresser les zorcs. En vain, ils héritèrent alors des zorcs orphelins. C'était sans issue dès le départ, et pourtant.  

Les scientifiques n'abandonnèrent pas. Sans relâche, ils cherchèrent un moyen d'enrayer l'invasion, ce massacre par la tendresse. Ce cancer qui faisait mourir l'humanité de trop d'amour offert à des petites boules de poils venues d'un autre monde. Ils cherchèrent un virus, un son, une arme, jour et nuit. Leurs avancées rythmées par l'hécatombe de plus en plus rapide du genre humain. 

Ils cherchèrent, oui. 

Encore et encore, animés d'un farouche instinct de survie. Et puis, le dernier d'entre eux tomba à son tour amoureux d'un zorc. Il s'enferma alors chez lui et le caressa, encore et encore, comme l'avaient fait tous les hôtes avant lui, jusqu'à mourir d'épuisement. 

 

Quant à moi, je restais assis confortablement à ma terrasse de café préférée. 

De temps à autre, je caressais le zorc qui m'avait adopté. Mais l'essentiel de mon temps, je le passais à observer les cadavres rachitiques qui jonchaient à présent les rues. Ici et là, l'on trouvait encore des hôtes vivants, utilisant leurs dernières forces pour offrir à leur zorc un ou deux descendants supplémentaires, par amour.  

Bientôt, il n'y aurait plus aucun hôte vivant sur la planète. C'était une question de jours, sinon d'heures. Et alors, les zorcs commenceraient à disparaître à leur tour. Parce que les zorcs ne peuvent survivre longtemps sans amour. 

Alors, enfin, je pourrai cesser d'attendre et quitter cette chaise qui me démange les fesses, cette chemise qui me colle à la peau, du fait de la canicule. Et puis, pendant que j'y serai, je quitterai aussi mon déguisement d'être humain. Je déploierai mes ailes et ferai jouer mes mandibules, endolories à force d'être comprimées sous un masque. D'abord, je dégusterai mon zorc. Pour le plaisir, c'est délicieux le zorc cru.  

Et puis, moi et mes pairs, nous hériterons de votre monde. 

Cette magnifique planète que vous nous avez léguée sans le savoir... 

..Mais avec tellement de tendresse. 

 

Jouy Philippe a.k.a Seth Messenger, terminé le vendredi 9 juillet 1999. 

 

 

Le contenu de cette page a été mis à jour pour la dernière fois le samedi 7 janvier 2023.
Il était alors 17:42:30 (Heure de Paris, France, planète Terre - Univers Connu).
mandarin : 你的预感 | français : Mon Ange | anglais : My angel | mandarin : 拉兰德 | espagnol : Una corazonada de ti | allemand : Neuigkeiten hinter der Scheibe. | anglais : To the wrath of the righteous | français : Une intuition de toi | français : Qui est Seth Messenger ? | mandarin : 正义的愤怒 | anglais : You would like to read more? | français : Mon nom est Pierre | français : Patience | anglais : A hunch of you | anglais : The Wait | allemand : Wer ist Seth Messenger? | allemand : Mein Engel | anglais : New beginning | allemand : Die Lande | espagnol : Mi nombre es Peter | allemand : Auf die Wut des Gerechten | espagnol : La Lande | français : Aux colères du juste | espagnol : ¿Quién es Seth Messenger? | anglais : My name is Pierre | mandarin : 来自玻璃后面的消息 | espagnol : Va a pasar cerca de ti. | français : Ca arrivera près de chez vous | espagnol : Nuevo comienzo | allemand : Neuer Anfang | anglais : Who is Seth Messenger? | mandarin : 耐心 | anglais : The Moor | allemand : Geduld | espagnol : Paciencia | anglais : It's going to happen near you | mandarin : 我的天使 | français : La Lande | espagnol : A la ira de los justos | mandarin : 我叫彼得 | espagnol : Noticias desde detrás del cristal | anglais : News from behind the glass | mandarin : 你想多读些吗? | allemand : Mein Name ist Pierre. | allemand : Möchten Sie mehr lesen? | français : Nouveau départ | espagnol : Mi ángel | français : Vous aimeriez en lire d'avantage ? | allemand : Es wird in Ihrer Nähe passieren. | mandarin : 赛斯信使是谁? | français : Des nouvelles de derrière la vitre | espagnol : ¿Le gustaría leer más? | allemand : Eine Ahnung von dir | mandarin : 它会发生在你附近。 | mandarin : 新开始 |
NouvellesCitations 

Découvrez Quootes.fr, le site pour les citations et ceux qui les aiment.

Vous y trouverez plus de quarante mille citations en langue française ainsi que leurs traductions générées automatiquement par intelligence artificielle.

Découvrir

Découvrez Coohorte, le réseau social privé qui donne voix à vos textes.

Faites connaître et transformez votre texte en audio grâce à l'intelligence artificielle.

Découvrir